L’ouette d’Égypte n’a, hélas, rien d’une invitée paisible sur nos plans d’eau européens. Classée comme espèce envahissante, elle est surtout connue pour son tempérament exécrable et son sens aigu de la propriété. Chaque année, à l’approche de la saison de reproduction, les couples d’ouettes établissent de vastes territoires qu’ils défendent avec une violence remarquable. Leur stratégie favorite consiste à chasser et à éjecter purement et simplement les occupants autochtones de leurs sites de nidification, allant jusqu’à s’emparer des nids de rapaces ou de cigognes. Pour les autres oiseaux aquatiques, notamment les canards et les poules d’eau, c’est le régime de la terreur. Le harcèlement est constant et peut même mener à la destruction des œufs ou des jeunes. Sa grande taille et son absence de prédateurs naturels sur notre continent lui confèrent une audace et une confiance qui finissent d’intimider ses rivaux. Mais au-delà de cette agressivité territoriale, l’ouette possède un atout visuel qui ne fait qu’accentuer la crainte qu’elle inspire. Avec son regard souligné de rouge et son masque brun foncé qui contraste violemment avec sa face blanche, elle affiche une mine perpétuellement renfrognée et bougonne. Si on l’observe de près, difficile de ne pas y voir une parenté étrange avec la tête du Capitaine Haddock : une figure d’autorité au tempérament explosif, prête à asséner un « Mille Sabords ! » à quiconque oserait empiéter sur son domaine.
La Petite Camargue Alsacienne, le 13 décembre 2025