Gouttes-miroirs

Une pluie fine avait persisté toute la matinée, presque imperceptible mais tenace, tellement légère qu’elle arrivait à s’immiscer dans les moindres recoins. La fine pellicule liquide déposée sur chaque objet exposé au grand air a fini par prendre de l’épaisseur et se transformer en grosses gouttes. Quelle douche froide pour les premières fleurs du prunellier, impatientes de respirer l’air doux du printemps ! Elles se retrouvent enveloppées d’une gangue tout aussi désagréable que le corset dont elles s’étaient débarrassées. Quant aux premières feuilles, elles ont hâte de pouvoir mettre en route leur usine de photo-synthèse… On a l’impression d’être dans un univers carcéral. Les pétales luttent pour regagner leur liberté, mais voilà à présent tout l’environnement emprisonné dans les gouttes-miroirs qui gonflent pour embrasser l’espace. Comme de grosses loupes, elles reflètent, en le renversant, le paysage proche et son rideau d’arbres encore démunis de feuilles qui s’élancent vers le ciel. Elles joueront aussi les prolongations en arrosant le sol alors que le ciel se sera déjà éclairci.

Baldersheim, le 12 mars 2025