Solitude

Le vent a perdu de sa virulence, et le poirier sauvage, reprend son souffle. Ses branches noueuses, après avoir été vigoureusement chahutées, s’immobilisent enfin dans le ciel laiteux et diffus de l’automne. C’est dans ce moment de grâce, où le silence est presque palpable, que s’invite un pinson du Nord pour venir se reposer. Il choisit une des ramures les plus dénudées pour sa halte. Son plumage, d’un beige et d’un brun modestes, est certes moins flamboyant que les dernières feuilles d’or, ces vestiges sculptés en forme de cœur qui résistent encore. Mais sa petite présence adoucit le sentiment de solitude qui, inéluctablement, s’empare de l’arbre. Depuis qu’il perd sa parure, le poirier est sur la défensive. Il exhibe des pointes épineuses acérées, prêt à défendre chèrement son existence contre l’assaut imminent du froid. Pour l’heure, c’est le calme et la sérénité qui règnent en ce lieu retiré. L’arbre aimerait tant que cet instant de quiétude ne prenne jamais fin. Il voudrait désespérément lire dans la présence de l’oiseau le signe que l’hiver qui arrive ne sera pas source de désolation. Le pinson, lui, perçoit cette profonde crainte silencieuse. Il n’a pas le courage de lui faire part de son irrépressible envie de poursuivre son voyage, de sa soif de repartir vers des cieux plus cléments, de peur de briser ce fragile moment de réconfort. Il se tait, hôte de passage, savourant sa pause avant de laisser l’arbre à son destin solitaire.

Les Octrois, le 28 octobre 2025